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Le Français Michel Talagrand reçoit le prix Abel, prestigieuse récompense en mathématiques

Le Français Michel Talagrand, 72 ans, s’est vu décerner, mercredi 20 mars, le prestigieux prix Abel, attribué en mathématiques depuis 2003 par l’Académie norvégienne des sciences et doté de 7,5 millions de couronnes (près de 650 000 euros). Ce directeur de recherche au CNRS et membre de l’Académie des sciences est le cinquième Français récompensé. Il avait déjà reçu les prix Loeve, en 1995, et Shaw, en 2019. Barbe touffue et cheveux longs grisonnants ceints d’un large bandana, il explique au Monde « ne pas encore avoir digéré la nouvelle » : « Je ne pensais pas l’avoir, quand je vois la qualité des autres lauréats. »
Pourtant, son nom circulait depuis longtemps et l’étendue de ses travaux en fait « une des stars de son domaine », souligne Gilles Pisier, professeur émérite à Sorbonne Université, « responsable » de la réorientation de son jeune collègue dans la spécialité des probabilités, au début des années 1980.
A l’époque, ce précoce mathématicien, entré au CNRS à 22 ans, après des études à l’université de Lyon, a déjà engrangé quelques succès en analyse, l’étude des solutions d’équations. Ses travaux lui valent une médaille de bronze du CNRS en 1978, quatre ans après son entrée dans l’organisme et un an après sa thèse. Mais les questions que lui pose Gilles Pisier le motivent et il change de sujet.
En probabilités, c’est-à-dire l’étude des phénomènes aléatoires, il va s’intéresser à l’importante question de savoir quelle valeur maximale une variable peut atteindre dans certains processus stochastiques. « Dans le cœur d’un réacteur nucléaire, on a envie de savoir quelle est la température la plus haute qui peut être atteinte. Ou, lors d’une crue, jusqu’où l’eau peut monter », détaille-t-il. La publication, en 1987, de son article résolvant la question dans certains cas fera date et ouvrira un âge d’or constitué de plusieurs autres démonstrations.
« Ses contributions sur le sujet sont massives. Elles forment un ensemble impressionnant, pas seulement parce que chacune de ses percées est profonde, mais aussi parce qu’il pousse son idée à fond », note Gilles Pisier, qui dénombre, sur ce sujet, trente-sept articles et 800 pages dans l’un des journaux les plus réputés du domaine, Annals of Probability. Michel Talagrand a aussi lancé quelques défis, dont il a financé les récompenses de sa poche. L’un d’eux, doté de 5 000 dollars (4 600 euros), a été relevé par deux confrères en 2012.
En 1995, il se tourne vers de nouvelles questions et fait faire des progrès aux statistiques en étudiant ce que deviennent des fonctions de plusieurs variables aléatoires. Plus il y a de variables, moins la fonction semble dévier, comme si les fluctuations se compensaient. Ses travaux permettent de borner ces déviations et sont utilisés dans divers secteurs comme la finance.
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