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Dans les tunnels de Khan Younès, sous la bande de Gaza, l’armée israélienne a peu d’espoir de libérer les otages par la force

Dans les champs qui bordent le kibboutz abandonné de Nirim, à la lisière de Gaza, l’armée israélienne tient en réserve d’innombrables bulldozers et des excavatrices blindées, aux côtés de ses chars. Les mécaniciens sont à rude épreuve pour entretenir ces engins, couverts de boue, et leurs efforts résument assez bien l’état des opérations : à Gaza, l’armée creuse. Elle fouille le sous-sol à la recherche des tunnels du Hamas, sans égard pour le bâti palestinien, ne laissant derrière elle qu’un amas de ruines.
Ce dimanche 4 février, le blindé qui nous emmène sur un chemin de boue vers Khan Younès, une ville dans le sud de la bande de Gaza, franchit la frontière grillagée de l’enclave par l’une des brèches qu’y ont percées les commandos du Hamas, le 7 octobre 2023. L’armée accapare les champs qui s’étendent sous ce grillage, où seuls de rares paysans palestiniens étaient autorisés à se rendre avant-guerre. Elle rase aussi du bâti, au-delà de l’ancien chemin de ronde des Brigades Ezzedine Al-Qassam du Hamas. Israël entend dépeupler ainsi une « zone tampon » d’un kilomètre de profondeur dans l’enclave.
Voilà deux mois que les soldats manœuvrent effroyablement lentement dans Khan Younès : c’est le plus long déploiement d’infanterie de cette guerre. Vu des étroits œilletons et des écrans de surveillance du blindé, l’incongru, ce sont les bâtiments encore debout, qui paraissent indemnes : le minaret vert et blanc d’une mosquée dressé comme un cyprès sur les ruines, un hangar dont la blancheur éblouit. Le reste est éventré ou aplati. Des talus de gravats déblayés s’élèvent de part et d’autre du chemin, hauts de plusieurs mètres.
Nous ne verrons pas les hôpitaux que l’armée assiège tout près ; ni les centaines d’habitants de la ville arrêtés par l’armée et dont leurs proches sont sans nouvelles ; ni les abords du camp de réfugiés où se pressent des milliers de Palestiniens aux abois, à l’ouest de la ville. Ce 4 février, le général Dan Goldfuss guide une demi-douzaine de médias européens et américains, dont un journaliste d’une chaîne de télévision chrétienne évangélique, acquis à la cause israélienne, qui répète avec enthousiasme chaque mot de l’officier devant sa caméra : « Le général a dit… » La censure militaire a exigé de lire notre article, et n’a pas demandé de modifications. L’armée interdit depuis quatre mois à la presse de se rendre dans l’enclave sans accompagnant, où elle a tué des dizaines de confrères gazaouis.
A la tête de la 98e division, Dan Goldfuss est le dernier officier à diriger un déploiement massif de troupes, sous un intense appui aérien, tandis qu’Israël ne parle que d’une impossible trêve avec le Hamas, laquelle contraindrait l’armée à mettre fin à sa guerre, afin d’obtenir la libération de cent trente-six otages détenus à Gaza. Une seconde division se contente d’assiéger la métropole de Gaza, au nord. Elle a renvoyé la plupart de ses réservistes dans leurs foyers. Elle mène des opérations de contre-insurrection, dans ce qui est déjà, pour elle, une après-guerre, et qui ressemble furieusement à la poursuite du conflit, aux yeux des habitants affamés de la cité.
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